de JEANNE LISE MENET

C’est un beau métier !
Oui, comme tout métier, il a ses bons et ses mauvais côtés. Il y aura toujours quelqu‘un pour vous critiquer, vous prodiguer de “bons conseils” – pas assez ceci, trop cela -, quelqu’un qui n’aura de cesse de pester – intérieurement ou pas… – de vous voir encore, après tant d’années, « debout“ malgré les orages ; et puis, il y a ces applaudissements, tous ces sourires, parfois même un simple regard quand la personne qui vous écoute n’a plus que cela à offrir. Parfois, vous êtes là pour distraire, faire oublier les tracas du quotidien, amuser la galerie, et d’autres fois vous êtes là pour réconforter, soulager, soigner même. Alors, sûrement faudra-t-il du temps et bien plus que ces quelques lignes pour qu‘aux yeux de tous « Artiste », « Chanteuse », « Danseuse », Musicien », « DJ », ou même « clown » deviennent de VRAIS métiers ; mais ce n’est pas grave. Je garde espoir, il paraît que cela fait vivre ! …
Cela faisait plusieurs années que nous nous produisions dans un restaurant de Dax, à raison d’une prestation, toutes les trois semaines. Nous venions à peine de débuter une nouvelle saison et qui dit une nouvelle saison dit nouveau spectacle, nouvelle chorégraphie et nouveaux costumes. L’un des tableaux de cette année portait sur l’enfance et l’univers des jouets. Les danseuses seraient des poupées qui, comme dans le célèbre Casse-Noisette, reprendraient vie à la nuit tombée ; Émeric aurait le rôle du jeune prince et moi celui de la danseuse étoile. Pour la référence, je vous donne le choix : le Lac des Cygnes, le Petit Soldat de Plomb et Barbie danseuse étoile… Peu importe ; pour la danseuse, cela finit toujours avec un tutu de toute façon ! J’avais moi-même réalisé le mien, tout en mouchoirs de tulle blanc.
Le tableau commence. La première chanson est assez calme : on pose le décor. Cette fois, Caro a innové, intégrant quelques mouvements de danse classique à la mise en scène, afin d’ ajouter une impression de légèreté à l’ensemble.
Le rythme change. Le tempo s’accélère. Le public chante avec nous, tape dans les mains. Dopée par leurs applaudissements, j’entame quelque pas avec les danseuses. Comme une petite fille, je me mets à sautiller d’un pied sur l’autre, décollant à chaque fois de quelques bons centimètres du sol, tant et si bien que le talon de ma chaussure frôle le bas de mon tutu. Une fois… Deux fois… Trois fois… Et ce qui devait arriver arriva ! Le talon finit par agripper un pan de tulle tirant l’ensemble vers le bas. Le jupon achève sa course à mi cuisse environ, me laissant en bustier et culotte. Je me hâte de remonter mon froufrou avec une exclamation de surprise. Évidemment, l’incident n’est pas passé inaperçu, cela aurait été trop beau ! Mais je ne me démonte pas… Le ridicule ne tue pas, sinon je ne serai plus là depuis longtemps ; autant tourner ma mésaventure à la plaisanterie. Alors, un clin d’œil complice aux Messieurs assis derrière moi qui ont pu profiter de la vue, un grand sourire au reste du public et c’est reparti !