
Sur la glace, la trace était tellement nette et profonde que nous ne courrions aucun risque de glissade.
Nous avons bifurqué vers la droite pour rejoindre le pied de l’arête nord-ouest de l’Astazou. Avant d’arriver sur l’emplacement, Myla, probablement impatiente, m’a doublé. Elle s’est soudain arrêtée, comme statufiée, devant la beauté du paysage qui venait de s’imposer. Le soleil dorait les sommets du Cirque de Gavarnie, presque deux kilomètres d’à-pic entre eux et le village. Le Taillon, la Brèche, le Casque et la Tour dominaient le puits béant d’un vieux glacier disparu et protégeaient les histoires grandioses de l’humanité.
À chaque sommet, je reliais un souvenir, une ascension, un événement ou une course légendaire. J’ai surtout été marqué par l’un des récits de l’épopée pyrénéenne. J’étais encore enfant. Avec mon père, nous avions rencontré à Toulouse Louis Audoubert. Je ne sais pas à quel sujet, l’alpiniste racontait la première hivernale qu’il avait faite avec deux camarades à la Tour du Marboré et les trois nuits qu’ils avaient dû passer là-haut pour atteindre le sommet. Contrairement aux prévisions de la météo, il avait neigé et ils n’avaient pu progresser qu’après avoir dégagé la neige de chaque prise. Sa faconde et sa bonne humeur m’avaient tellement marqué que ma passion pour la montagne était née à ce moment-là.