Épisode 29

Ce couloir Swan, au milieu des deux faces nord des Astazou, est comme la reliure entre les deux grandes pages d’un immense livre ouvert. Enneigé, il est gravi par les glaciéristes. Mais la fin de l’été et le réchauffement climatique l’ont réduit comme une peau de chagrin. Les alpinistes doivent alors passer par une voie rocheuse sur l’une des deux faces.

J’étais à peu près sûr qu’il s’agissait du client qui avait demandé Myla la veille. Il semblait vouloir grimper par un autre itinéraire que le nôtre, mais il était possible que nous nous retrouvions plus haut. À sa vitesse, il arriverait le premier au sommet. Un montagnard lambda ne nous y attendrait pas en raison des conditions météorologiques peu rassurantes. Mais je me suis surpris à penser que celui-ci ferait tout pour nous rencontrer sur la pointe du Petit Astazou.

Épisode 28

Chaque fois, je regarde ce site comme si je le découvrais pour la première fois et, chaque fois, je le trouve différent comme les marins peuvent trouver la mer différente chaque matin. Le Cirque de Gavarnie est une porte d’un millier de mètres de hauteur. Il bouche l’horizon et pourtant il ouvre l’imagination vers un monde puissant. Ses gradins immenses et ses murs colossaux informent tout être humain que les affronter n’est pas impossible mais que la victoire en sera longue et difficile.

Je me suis arraché à cette contemplation. Je me suis retourné et instinctivement j’ai regardé plus bas, vers le refuge que nous avions quitté. Un léger mouvement sur le sentier a attiré mon regard. En concentrant mon attention, j’ai distingué un marcheur qui grimpait lui-aussi vers les Astazou. Il pouvait nous suivre, mais il pouvait également se diriger vers d’autres voies. J’ai attendu jusqu’à me rendre compte qu’il montait vers le couloir Swan.

Épisode 27

Sur la glace, la trace était tellement nette et profonde que nous ne courrions aucun risque de glissade.

Nous avons bifurqué vers la droite pour rejoindre le pied de l’arête nord-ouest de l’Astazou. Avant d’arriver sur l’emplacement, Myla, probablement impatiente, m’a doublé. Elle s’est soudain arrêtée, comme statufiée, devant la beauté du paysage qui venait de s’imposer. Le soleil dorait les sommets du Cirque de Gavarnie, presque deux kilomètres d’à-pic entre eux et le village. Le Taillon, la Brèche, le Casque et la Tour dominaient le puits béant d’un vieux glacier disparu et protégeaient les histoires grandioses de l’humanité.

À chaque sommet, je reliais un souvenir, une ascension, un événement ou une course légendaire. J’ai surtout été marqué par l’un des récits de l’épopée pyrénéenne. J’étais encore enfant. Avec mon père, nous avions rencontré à Toulouse Louis Audoubert. Je ne sais pas à quel sujet, l’alpiniste racontait la première hivernale qu’il avait faite avec deux camarades à la Tour du Marboré et les trois nuits qu’ils avaient dû passer là-haut pour atteindre le sommet. Contrairement aux prévisions de la météo, il avait neigé et ils n’avaient pu progresser qu’après avoir dégagé la neige de chaque prise. Sa faconde et sa bonne humeur m’avaient tellement marqué que ma passion pour la montagne était née à ce moment-là.

ÉPISODE 26

J’étais partagé entre deux sentiments assez différents : j’étais heureux de me trouver au côté de mon amoureuse et j’étais inquiet comme d’habitude pour ma cliente. J’étais responsable de Myla comme je l’étais de toutes les personnes que je conduisais vers les sommets. Le plus étrange dans cette situation, c’est que cette jeune femme n’était officiellement ni mon amoureuse ni ma cliente. Et pourtant, elle était les deux…

Nous avons marché vers la base de la face nord où la tâche blanche d’un vieux glacier moribond se détachait nettement. On n’entendait que le bruit de nos chaussures sur les pierres du chemin et le souffle appuyé de nos poitrines qui s’habituaient peu à peu à l’effort. Myla s’est réveillée pour de bon. Elle m’a rattrapé en riant bruyamment, s’est plantée devant moi et m’a embrassé fougueusement comme si elle venait de démarrer une relation passionnelle. Son désir avait tout d’une pulsion, pourtant je sentais dans ses caresses et dans ses mots un attachement sérieux et une confiance absolue.

La montagne et le ciel baignaient dans un calme assez extraordinaire. D’habitude, j’entendais le vent, les plantes, puis les oiseaux et souvent les promeneurs. Mais ce matin, c’était le silence total. Je n’aimais pas beaucoup ce relâchement de la nature. Je me souvenais peut-être, d’après la masse sombre de mes expériences, que ce n’était pas bon. Combien de fois un soleil superbe et généreux s’est mué en terrible tempête !

Épisode 25

Nous avons allumé nos frontales et nous sommes sortis dans la fraîcheur matinale. Il faisait cependant anormalement doux. Dire que des pseudo-scientifiques refusent de croire au changement climatique parce qu’ils n’ont pas de preuves. Ici, c’est une évidence. Nous faisons la plupart des courses sans mettre les crampons à glace. Nous constatons chaque jour la disparition des névés et des glaciers. Les épaisseurs de neige diminuent d’année en année. Mon grand-père me disait qu’autrefois les premières chutes de neige commençaient après le 15 août. Actuellement, elles peuvent se produire après la Toussaint ou après le 11 novembre. Le cirque de Gavarnie se desquame et ne laisse que de rares croûtes de glace sale. Il est possible de faire de très nombreuses marches vers les sommets dépassant 3000 mètres sans avoir à fouler le moindre névé.

Plus haut, l’ombre noire de la face nord des Astazou se découpait dans un ciel plus clair.

Épisode 24

À quatre heures, nous nous sommes levés sans bruit. Je n’ai pas cherché à réveiller le client arrivé dans la nuit. Inconsciemment, je ne voulais probablement pas que Myla découvre sa présence.

Nous avons bu un verre de lait froid et avalé une tranche de pain-beurre-confiture, en silence. Nous nous sommes équipés. Myla a sorti de son sac un pantalon d’escalade et une veste légère qu’elle a enfilés en maugréant. Elle n’était pas vraiment éveillée. Elle faisait la moue des adolescents qu’on réveille trop tôt.

Je n’ai pas voulu qu’elle grimpe sans l’équipement élémentaire. Dans les affaires de mon ami le gardien et de sa copine, je savais que je trouverais le matériel nécessaire. Un baudrier, un casque, quelques sangles et des mousquetons supplémentaires.

Le client nous a-t-il entendus ? Peut-être ! Mais il ne s’est pas manifesté pendant nos préparatifs. J’ai trouvé ça étrange même si je n’en étais pas mécontent.

Nous allions le laisser seul. J’ai pensé qu’il n’y avait rien à craindre pour le refuge ni pour le mobilier. Il n’était pas ici pour commettre un quelconque larcin.

Si tout se passait bien, nous serions de retour dans l’après-midi.

Épisode 23

Quand je me suis recouché auprès d’elle, Myla dormait toujours. Je n’ai pas voulu la réveiller. J’ai pensé, un peu présomptueux, que je la protégeais contre tout ce qui pourrait la déranger.

Le visiteur avait fini par se coucher lui aussi. Le silence emprisonnait l’espace dans une ouate épaisse. J’ai toujours eu cette sensation. L’absence de bruit me paraît lourde et douce à la peau.

Je me demandais pourquoi cet homme recherchait la jeune fille et pourquoi il n’avait rien ajouté après avoir appris qu’elle était en effet dans le chalet. Myla a peut-être ressenti mes inquiétudes, elle s’est retournée vers moi. Elle a posé sa tête au creux de mon bras. Ses longs cheveux ont glissé sur ma poitrine. Ils sentaient l’herbe fraîche. J’ai glissé mes doigts sur la peau de son épaule. Myla a frissonné. Sa respiration s’est arrêtée un instant comme pour lui permettre de savoir ce que je voulais. Puis elle a repris, lente et régulière. J’essayais de réfléchir aux éventuels problèmes que pouvait provoquer l’inconnu ainsi qu’aux réactions de Myla quand elle découvrirait sa présence.

Plusieurs causes que je ne pouvais pas encore expliquer me laissaient percevoir l’imminence de difficultés. Dans mon demi-sommeil, je commençais à imaginer des scénarios compliqués. Chaque être humain invente des réponses aux questions insolubles qu’il se pose parce que l’ignorance est insupportable.

Épisode 22

Deux heures plus tard, il pleuvait encore. Je commençais à m’endormir quand j’ai entendu des pas et des frappements sur la porte d’entrée. J’ai manifesté mon désarroi en soufflant vivement. Je me suis levé, j’ai ouvert la porte et me suis trouvé devant un homme d’une quarantaine d’années, la barbe naissante, les yeux sombres presque cachés par des cheveux frisés et un chapeau détrempé.

– Je peux entrer… pour la nuit ?

– Oui, bien sûr. Je suis avec une cliente. Il n’y a personne d’autre. Demain matin, nous partirons de bonne heure… mais entrez ! Vous n’allez pas rester dehors avec ce temps.

– Merci. Je vais me coucher immédiatement.

Je lui ai indiqué le dortoir à l’étage. Il m’a demandé :

– Myla n’est pas ici ?

Je n’aime pas mentir. Je n’ai pas hésité. Je n’aurais peut-être pas dû…

– Si ! Elle dort.

ÉPISODE 21

L’orage était passé, il pleuvait encore un peu. Après le repas entrecoupé de moments de tendresse, de regards énamourés et de caresses, nous avons décidé de nous coucher. La nuit serait courte. Il fallait démarrer vers cinq heures, au plus tard. Les risques d’orages de l’après-midi étaient quotidiens. En marchant bien, on pouvait revenir avant le mauvais temps, s’il devait y en avoir. Myla m’a embrassé en me serrant très fort. Elle m’a dit, avec un ton presque étonné :

– J’ai le cœur plein d’amour !

J’ai souri. Je n’en revenais pas que notre liaison soit si forte en si peu de temps. Myla m’a regardé fixement. Elle a ajouté :

– Plein d’amour ! plein de bonheur ! plein d’espoir !… Et très fatiguée !  

Elle a disparu dans la chambre du gardien où j’avais déposé mon sac à dos. Je n’ai pas tardé à la rejoindre. Elle dormait déjà. Elle n’a pas réagi quand je me suis allongé le long de son corps. J’ai pensé qu’elle en était tout à fait consciente tant nous étions en accord.

Épisode 20

J’ai préparé un solide repas. Une petite salade de pâtes, du confit de canard, des haricots tarbais et un peu de riz au lait. Il fallait emmagasiner des forces car la randonnée prévue ne nous laisserait pas le temps d’en absorber beaucoup d’autres. Pendant la cuisson, Myla m’a posé les questions d’une conversation banale.

– Tu es le gardien de ce refuge ?

– Non, je remplace mon ami qui est à l’hôpital. Moi, je suis guide…

– Tu viens des Alpes ?

– Non, non ! Il y a des guides aussi dans les Pyrénées. J’habite un peu plus bas… à Gèdre. J’y vis avec ma famille. J’accompagne des gens dans ces montagnes…

– Ah ? Alors, pour demain, il n’y a aucun problème !

– C’est ça !  Et toi, Myla, tu connais ce coin ?

– Non ! C’est la première fois que je viens dans la région…

– Tu n’as jamais fait de randonnées en montagne ?

– J’ai fait un peu de varappe avec des amis quand j’ai passé quelques jours à Chamonix. Aucun problème !

J’attendais un complément d’informations. Mais elles ne sont jamais venues.

Épisode 19

Un gros nuage a soudain dégagé l’arête nord-ouest du Petit Astazou. Un rayon de soleil est venu l’imprimer sur les gris de l’orage. Nous étions médusés par cette apparition. Myla a tourné son visage vers moi et m’a dit :

– C’est super beau !

– Oui, j’adore. Profite bien du spectacle, cet orage va l’effacer très vite.

Myla a regardé le sommet. Dans un souffle, elle a murmuré :

– J’aimerais tant…

J’ai senti son désir, un peu de fatalisme et tout à coup un souhait impérieux. Les yeux lumineux, elle m’a demandé :

– Demain, on monte là-haut ?

– Demain matin ?

– Oui, tu es d’accord ?

Je ne me sentais pas capable de refuser.

– Entièrement d’accord, si ça te fait plaisir et si l’orage passe vite…

Elle s’est jetée sur moi pour m’embrasser. Entre deux baisers, elle a murmuré :

– Merci !… C’est pas trop difficile ?

– Non ! Mais, ce sera long… ce soir, il va falloir bien manger…

Épisode 18

Quand nous avons relevé les yeux vers la montagne, nous avons été surpris par les changements qui s’étaient opérés sans nous. De gros nuages sombres avaient passé la Brèche de Roland et tapissaient maintenant tout le cirque de Gavarnie. Nous dominions encore la mer de nuages qui se mouvait fébrilement. Une masse confuse se dirigeait vers nous. Nous avons senti que nous allions être engloutis et qu’il fallait rentrer avant le déluge. L’orage a fait connaître toute sa puissance. Ses roulements se répercutaient de sommet en sommet. Bien à l’abri et au chaud, nous savourions le bonheur de nous serrer l’un contre l’autre. Le spectacle des forces naturelles qui se déchaînaient était d’une beauté qui nous imposait un silence admiratif. Nous avons attendu les éclairs. Myla s’est inquiétée :

– C’est dangereux ?

– Oui, très…

– Sérieux ?

– Non ! bien sûr !

Malgré tout, à chaque éclair, nous frémissions. Surtout lorsque l’explosion tonitruante se rapprochait de plus en plus de l’éclat qui zébrait tout l’espace.

Épisode 17

Peut-être parce que mes pensées se sont retrouvées à ce moment précis au cœur d’une montagne d’informations, j’ai réalisé tout à coup que des milliers d’événements dont j’avais parfaitement conscience m’avaient conduit jusqu’ici.

Myla m’a regardé avec étonnement. Elle m’a supplié :

– Tu peux me dire à quoi tu penses ?

– Je ne veux pas t’ennuyer…

– Pourquoi ? C’est grave ?

– Grave et dangereux ? Non, Myla, pas du tout. Plutôt grave et sérieux…

– Alors tu peux me dire…

– Si tu veux : je pensais qu’en te regardant j’avais vu une lumière… Et du fait de mon éducation, par réflexe, j’ai remercié le ciel de m’avoir permis de te rencontrer… Tout à coup, j’ai dû corriger mon sentiment. Je ne porte en moi qu’une addition d’événements et je ne suis qu’une Histoire… Il n’existe aucune entité qui nous dirige…

– Moi aussi ? Je ne suis qu’une Histoire ?

– Tout est histoire. Il n’y a pas un seul élément en toi qui ne vienne de l’Histoire. Tu es façonnée, inventée, créée par chaque seconde de ta vie. Ton corps est une maison solide dont les pierres viennent de carrières et de montagnes qui ont été sculptées par les mains du temps. Ton cœur est une demeure protégée par la charpente qui vient des forêts ancestrales, des arbres dont chaque feuille provient de toute l’histoire de l’eau, de l’air et de la vie. Tes yeux éclairent une maison dont tous les verres, toutes les vitres viennent du travail des hommes qui ont appris à sculpter les réponses aux besoins humains.  Leur histoire est nécessaire pour lire ton présent, expliquer les heures du passé et préparer l’avenir qui arrive à pas lents.

– Alors maintenant, Mathias, nous allons créer notre Histoire… à deux !

– Oui, dans un monde qui est parfois merveilleux !

– Parfois dangereux…

– Aussi ! Mais à deux, on gère mieux…

Épisode 16

Un peu plus tard, quand le calme est revenu, comme chaque fois lorsque je suis pleinement heureux, j’ai eu envie de chanter. Des mots tendres et fous s’imposaient à ma conscience : « J’ai bu à tes lèvres. Tes soupirs étaient suaves. Mes rêves se sont blottis à la douce chaleur de ta peau. Quand ta bouche mangeait la mienne et que tes mains maîtrisaient mes élans impatients, je me rangeais sous tes silences et tes éclats de bonheur. Je me soumettais à tes gémissements et à tes caresses.  De tes yeux, je ne pouvais voir que la lumière, quand bien même tout aurait été noir autour de moi. »

Elle n’a pas entendu ma ballade, mais elle savait que je chantais. Lentement, nous sommes sortis de notre incandescence.

Épisode 15

Je ne sais pas s’il y a des mots pour traduire le plaisir d’amour. Toujours est-il que ce moment a certainement été l’un des plus intenses. Mon corps, après avoir connu l’envahissement d’une excitation inhabituelle, s’est lancé dans une exagération telle que je ne peux parler que d’explosion. Puis il s’est relâché violemment. Myla a suivi le même cheminement et, aussi surprise et essoufflée que moi, elle a murmuré, au creux de mon oreille, en imitant un cri violent :

– Je t’aime !

Je lui ai répondu aussitôt en écho :

– Je t’aime follement !

– Je suis plus folle d’amour que toi ! m’a-t-elle lancé dans un éclat de rire.

– Je suis fou de t’aimer tant !

Nous parlions d’amour… Il s’agissait davantage d’une promesse que d’une réalité présente.

Épisode 14

Elle a fermé son regard pour le rouvrir presque aussitôt, plus intense. Ses mains ouvertes ont enserré ma tête. Ses lèvres fiévreuses ont écrasé les miennes. C’était violent, lyrique, passionné, orchestral. Je me suis jeté dans cette musique organique. Le feu me prenait le corps et me brulait la conscience. Quand j’ai senti qu’elle voulait vibrer de concert, je lui ai offert ma partition. En symbiose. Je pensais qu’il y avait dans le ciel des airs de victoire et que les nuages dessinaient des sourires. J’imaginais que les herbes agitées bruissaient de mille hourras ! J’inventais une symphonie. En même temps que les cymbales de mon sang, nos peaux ont claqué l’une contre l’autre. La Nature en était au Te Deum d’un triomphe partagé. Et tous les bruits de la Terre sautaient de croche en croche dans un presto fortissimo.

Épisode 13

Je suis venu à son secours. Je me suis déshabillé sans son aide et je me suis allongé. Elle a croisé l’un de ses bras devant sa poitrine, a saisi la bretelle de sa robe et l’a glissée jusqu’au coude. Elle a recommencé le même geste de l’autre côté. Elle s’est un peu éloignée de moi. Elle a baissé ses bras. Sa robe est tombée rapidement jusqu’à ses pieds. Elle avait revêtu sa nudité originelle. Tout s’est passé dans le silence. Myla s’est posée dans mes bras. Elle a parcouru les chemins de mon corps. Je n’entendais plus les musiques de la nature. Je devinais que plus bas, la forêt s’était statufiée. La montagne retenait son souffle, le vent était mort. Nous étions là, au cœur d’une nature grandiose qui nous émerveillait. La solitude du refuge des Espuguettes nous apaisait. Nous avions sa protection. Plus bas, la mer de nuages sur Gavarnie imposait notre isolement.

Épisode 12

J’étais aux anges. Et comme ils n’existent pas, je les ai inventés avec les bribes des contes de mon enfance, je les voyais. Je les aimais. Puis ils s’embrumaient et disparaissaient. Je prenais alors conscience de la pointe de la langue de Myla qui s’immisçait entre mes rangées de dents pour caresser l’intérieur de ma bouche. Elle tournait, frappait, frôlait, allait et venait tandis que nos lèvres étaient plaquées les unes aux autres. Nos visages plongeaient dans l’intimité la plus exquise. Des bouffées de bonheur attisaient mon feu intérieur. Ses gestes se sont amplifiés et sont devenus nerveux, saccadés. Elle a cherché à saisir mon teeshirt pour le soulever.

Épisode 11

Je lui ai tendu un verre. Elle a dégagé ses cheveux qui flottaient devant son regard. Elle l’a saisi en emprisonnant ma main. Elle l’a porté à ses lèvres carmin. Deux gorgées plus tard, elle l’a poussé vers mes propres lèvres asséchées. Nous avons bu ensemble à la coupe du désir. Je pénétrais le fond de ses fantasmes. Je me suis encore davantage approché d’elle. Elle m’appelait. Elle est venue à moi, pour se coller à ma peau. Je l’ai prise à son propre jeu. Je l’ai attirée et pressée contre mon corps. Elle a laissé s’échapper un soupir long et spontané. Le désir nous a emportés dans une danse improvisée, rythmée et ponctuée de baisers bruyants et brûlants.

Épisode 10

Comme on peut avoir envie de soleil ou de baignade, j’ai ressenti un réel besoin de contact avec la nature. C’est ma compagne, mon amie, mon souffle. Je ne pouvais pas rester une seconde de plus entre les quatre murs du refuge.

– Il fait encore très bon, on peut aller s’asseoir dehors pour voir le paysage.

J’ai pris les deux verres , la bouteille et une couverture. Je suis sorti en m’attachant à ses yeux. Elle m’a suivi. J’ai ouvert le plaid et je l’ai étendu sur l’herbe drue. J’ai invité Myla à en profiter. Elle me regardait fixement, impassible. Elle ne bougeait plus. Je la trouvais cruelle. Elle n’était qu’attentive. Elle cherchait un signe, une expression. Elle m’attendait. Elle espérait que je me dévoile. Que je dise mon désir. Elle contenait le sien. Elle me dira plus tard qu’elle n’en pouvait plus et qu’elle se décomposait dans le désir de dévorer ma peau. Ses doigts demandaient à tracer des déchirures et ses seins voulaient être pétris. Sa bouche et son ventre avaient soif.

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